Ursula Von Der Leyen, Présidente Commission européenne, en prélude au Sommet UA-UE : «Nous avons besoin du leadership de Macky Sall…»

La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, séjourne au Sénégal, du 08 au 10 février, afin de mieux préparer, avec le Chef de l’État, Macky Sall, le Sommet Union africaine-Union européenne (17-18 février à Bruxelles). Pour un espace commun de stabilité et de prospérité, « le leadership du Président Sall en tant que Président de l’Ua sera essentiel », explique-t-elle dans cette interview exclusive accordée au quotidien « Le Soleil ». Mme von der Leyen évoque, entre autres, la place de l’Afrique dans la nouvelle stratégie européenne d’investissements- Global Gateway d’un montant de 300 milliards d’euros- qui prévoit d’importantes réalisations en Afrique (infrastructures, santé, éducation…).

– Quel est l’objet de votre visite au Sénégal ? 

L’Union européenne a des liens privilégiés avec le Sénégal. Ma visite sera l’occasion de montrer toute l’importance que cette relation revêt à nos yeux. Je préparerai aussi, avec le Président Macky Sall, le Sommet Union européenne-Union africaine qui aura lieu la semaine prochaine à Bruxelles. Nos deux Unions partagent une même vision : celle de créer un espace commun de stabilité et de prospérité. Lors de ce Sommet, il faudra établir les moyens concrets d’y parvenir. Et le leadership du Président Sall en tant que Président de l’Union africaine sera essentiel pour cela.

Durant cette rencontre, les investissements seront au cœur des discussions. C’est pourquoi ma visite au Sénégal portera aussi sur la nouvelle stratégie de l’Ue sur les partenariats d’investissement avec nos partenaires publics et privés à travers le monde : Global Gateway. Nous avons lancé Global Gateway il y a deux mois. Et à Dakar, je serai fière de présenter sa toute première déclinaison régionale, le Plan d’investissement Afrique-Europe.

Global Gateway, ce sont des investissements dans les infrastructures, mais pas seulement. C’est tout ce qui crée de la richesse partagée et ce qui contribue au bien-être des populations. En Afrique, Global Gateway investira donc également dans la santé et l’éducation. Et le Président et moi aurons l’occasion d’en parler lors de ma visite.

– Bientôt le Sommet Union africaine-Union européenne (17-18 février). Peut-on s’attendre, entre les deux régions, à des relations plus équitables et à de nouveaux partenariats (sur le plan économique, des accords commerciaux, de l’aide au développement, sécurité) ? 

Ce Sommet vient à point nommé. D’abord, parce qu’il faut travailler davantage ensemble pour relever les défis qui se posent à nous et tracer une trajectoire commune pour l’avenir face à des équilibres géopolitiques sans cesse changeant, la menace déjà très réelle du changement climatique et les bouleversements technologiques. À ce Sommet, je veux montrer que l’Europe est le partenaire le plus fiable et le plus loyal pour l’Afrique.

Et je veux renforcer ce partenariat. Notre prospérité et notre sécurité mutuelles en dépendent. Très concrètement, la rencontre devrait notamment permettre d’identifier une première série de projets d’infrastructures stratégiques sous Global Gateway.

– Vous disiez, lors de votre premier déplacement en Afrique, en décembre 2019 : « Je souhaite savoir quels sont les projets qui fonctionnent, quels sont ceux qui ne marchent pas ». Avez-vous maintenant les réponses à vos interrogations pour vous réajuster ? 

Les investissements sont nécessaires. Et ils sont nécessaires maintenant. C’est pourquoi, avec nos partenaires africains, nous avons choisi des priorités claires, capables d’apporter le changement, les infrastructures durables, la formation professionnelle, les énergies renouvelables et la santé, par exemple. Mais, pour un impact maximum sur le terrain, pour les populations, nous ne sélectionnerons que des projets capables de produire des résultats concrets en un ou deux ans. Et bien sûr, un suivi régulier est prévu.

– Quelle sera la place du Sénégal et de l’Afrique dans Global Gateway, ce plan européen d’investissement mondial de 300 milliards d’euros, notamment en termes d’infrastructures ? 

Ce n’est pas un hasard si le tout premier plan régional que nous présentons sous Global Gateway est pour l’Afrique. Le continent sera un partenaire majeur de cette initiative de 300 milliards d’euros. Parce qu’il y a des besoins d’investissement certes, mais surtout parce qu’il y a des opportunités de créer de la richesse qui sera équitablement répartie entre l’Europe et l’Afrique. Une logique de partenariat pour le bénéfice de tous. Le Sénégal sera évidemment un partenaire et un bénéficiaire important de Global Gateway. Mais, j’ai aussi envie qu’il en soit un des moteurs. Qu’il propose des projets de qualité à grande échelle qui auront des retombées positives pour toute la région. L’Europe soutient l’excellence sénégalaise, qu’il s’agisse de la production de vaccins, de l’agro-alimentaire ou de l’entrepreneuriat.  Réussissons ensemble.

– Que peuvent attendre le Sénégal et l’Afrique de l’Ue dans la lutte contre la pandémie de la Covid-19 ? 

L’Ue est l’un des plus importants donateurs de vaccins au monde ainsi que l’un des plus grands contributeurs à Covax. À ce jour, nous avons partagé près de 145 millions de doses avec l’Afrique. Notre objectif est d’en partager beaucoup plus, et ce, dans les six mois à venir. En parallèle, nous mobilisons encore plus de moyens financiers pour accélérer la vaccination dans les pays d’Afrique où les taux de vaccination sont les plus bas. J’aurais l’occasion d’annoncer, à Dakar, une aide supplémentaire de l’Ue pour cela.

Peut-on espérer de nouvelles initiatives européennes au profit du Sénégal pour la production locale de vaccins contre le coronavirus ? 

Dans le futur, l’Afrique devrait pouvoir autant compter sur la solidarité de ses partenaires que sur sa propre industrie pharmaceutique. À ce jour, le continent importe 99 % de ses vaccins. Cela doit changer. C’est pourquoi l’Équipe Europe investit plus d’un milliard d’euros dans des pôles de production de vaccins en Afrique, particulièrement pour amener la révolution scientifique de l’ArnM.

L’ArnM joue un rôle crucial dans la lutte contre la Covid-19 mais est aussi très prometteur contre d’autres maladies infectieuses comme le paludisme ou la tuberculose. Ici encore, je vois un rôle moteur pour le Sénégal, avec évidemment l’Institut Pasteur de Dakar où de talentueux chercheurs sont déjà à l’œuvre pour l’indépendance pharmaceutique de l’Afrique.

Pour aller plus loin, l’Équipe Europe soutient le projet Madiba (Manufacturing in Africa for Disease Immunisation and Building Autonomy) de l’Institut Pasteur de Dakar. Madiba a le potentiel d’être une réussite économique et de santé publique, il renforcera les liens entre nos deux continents et préparera mieux le monde aux futures pandémies.

– Quelle sera la contribution européenne dans la mobilisation d’un nouveau financement pour l’initiative Covax, évaluée à 5,2 milliards de dollars, au cours des trois prochains mois ? 

Depuis le début de la pandémie, l’Équipe Europe est l’un des principaux contributeurs à Covax avec plus de trois milliards d’euros de financement. Aussi, plus de la moitié des 500 millions de doses partagées par le biais de Covax à ce jour proviennent de l’Équipe Europe. Comme je l’ai dit, l’Équipe Europe va augmenter ses donations de doses à l’Afrique dans les mois à venir. Et nous continuerons de financer Covax. Nous y sommes pleinement engagés. Et nous sommes également engagés à faire tout notre possible pour que les autres régions partagent notre ambition et augmentent aussi les donations.

– Quelles peuvent être les pistes de collaboration entre l’Afrique et l’Europe dans la lutte contre le réchauffement climatique ? 

L’Afrique contribue le moins aux émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et elle souffre le plus des conséquences du changement climatique. Alors, l’Afrique s’adapte et l’on voit fleurir partout des initiatives individuelles sur le continent comme le Projet de Résilience et de reforestation intensive pour la sauvegarde des territoires et des écosystèmes au Sénégal. D’ailleurs, j’aimerais que l’Europe s’en inspire. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Mais, nous devons faire plus pour protéger nos continents de l’impact du changement climatique. Ce combat commun sera au cœur de notre partenariat avec l’Afrique, dans les décennies à venir, avec Global Gateway, bien entendu, qui investit dans des infrastructures durables. Mais aussi avec l’échange de pratiques et de savoirs pour favoriser l’innovation au service du climat sur nos continents respectifs.

La prochaine Cop sur le climat se déroulera en Égypte. Ce sera une opportunité pour encore créer une alliance encore plus forte autour des priorités africaines- adaptation, gestion des risques et financement de l’action climatique.

– Parlant de l’immigration, vous disiez que vous ne voulez pas de « barbelés ni de murs » aux frontières de l’Ue. Comment rassurer la jeunesse africaine qui a l’impression de faire face plutôt à des barricades autour de l’Europe ? 

L’Europe est un continent ouvert. Chaque année, nous accueillons trois millions de ressortissants de pays tiers. Pour rester ouvert et accueillant, nous devons disposer d’instruments efficaces et mutuellement bénéfiques de gestion des migrations, pour limiter singulièrement les mouvements irréguliers et lutter contre ceux qui instrumentalisent la souffrance humaine, comme les passeurs et les trafiquants. Nous avons aussi besoin que nos partenaires jouent leur rôle dans ces efforts et qu’ils rapatrient les citoyens qui n’ont pas le droit de rester dans l’Ue.

Il s’agit aussi de créer, sur place, les conditions propices à un bon niveau de vie : des formations, des emplois, un système de santé efficace et des infrastructures surtout. La migration est un sujet complexe. Elle requiert une réponse globale, en particulier socioéconomique. Faisons-en sorte que la reprise post-pandémie à laquelle nous travaillons tous offre des opportunités nouvelles à ceux qui se sentent laissés pour compte.

Lesoleil

A propos Lapolitique 7122 Articles
Rédacteur