
Dans sa décision n°1/E/2001 du 23 mars 2001, dite jurisprudence ALE LO (cf Considérant n°5) le Conseil Constitutionnel a souligné de manière claire et nette « que le caractère complet ou incomplet des listes devait toujours être apprécié au moment du dépôt ».
Considérant n°5 de la décision n°1/E/2001
« Considérant que le caractère complet ou incomplet des listes de candidature doit être apprécié à la date de leur dépôt, qu’il apparait par ailleurs que la liste départementale de Tivaouane était complète à la date du 15 mars 2001, date limite de dépôt des candidatures, qu’ainsi que c’est à tort que la décision attaquée a déclaré la liste départementale du parti socialiste irrecevable au motif que ALE LO figurait également sur la liste nationale de la coalition WADE, comme si ce fait était de nature à emporter la caducité de sa première candidature »
Le Conseil Constitutionnel est précis « la temporalité, le moment pour déterminer si une liste de candidature est complète, ou incomplète, c’est la date de dépôt ». La double présence d’un candidat sur 2 listes, n’a aucune incidence sur la régularité desdites listes. Et comme pour le marteler, le Conseil Constitutionnel a précisé que c’est à tort que la décision du Ministre a déclaré la liste départementale du part socialiste irrecevable, du fait de la double présence d’ALE LO sur 2 listes, balayant d’un revers de main, l’appréciation du ministre en ces termes « Comme si ce fait (double présence d’ALE LO sur les listes du PS et du PDS) était de nature à emporter la caducité de sa première candidature ».
Une abondante jurisprudence conforte la date de dépôt comme seule et unique temporalité permettant d’apprécier si une liste de candidature est complète ou incomplète.
En second lieu, la décision du ministre vise l’alinéa 2 de l’article 179 du code électoral :
Alinéa 2 de l’article 179 du code électoral
« Le remplacement de candidats inéligibles, sans préjudice de l’ordre d’investiture, et la substitution de pièces périmées ou comportant des erreurs matérielles sont, le cas échéant immédiatement notifiés au mandataire de la liste concernée. Celui-ci dispose de trois jours, à compter de la date de notification, pour y remédier, sous peine de rejet de la candidature concernée ».
Cet article concerne spécifiquement le cas de candidats inéligibles. Le dernier paragraphe est extrêmement clair et fait uniquement référence au rejet de la candidature concernée, en cas de non remplacement du candidat inéligible, dans les délais prescrits.
A aucun moment, il n’est question de rejet d’une quelconque liste. C’est d’autant plus vrai que l’Article LO.182 est très explicite en la matière.
« Après le délai de cinq jours prévus à l’alinéa premier de l’article L179 et ce, jusqu’à la date de prise de l’arrêté publiant les déclarations reçues, sil apparait qu’une déclaration de candidature a été déposée en faveur d’une personne inéligible, le Ministre chargé des élections doit saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans les trois jours de la saisine sur la recevabilité de ladite candidature ».
Lisez attentivement le dernier paragraphe qui est d’une clarté biblique : en cas d’inéligibilité, et sur saisine du ministre, le Conseil Constitutionnel statue uniquement sur la recevabilité de la candidature et jamais sur la recevabilité de la liste.
Ni la double inscription sur une liste en qualité de titulaire et suppléant, ni l’inéligibilité d’un candidat (qui doit être notifiée au mandataire) ne peuvent entrainer l’irrecevabilité d’une liste de candidature au motif qu’elle serait incomplète.
L’Alinéa 2 de l’article 179 du code électoral et l’Article LO.182 visent uniquement la recevabilité de la candidature concernée. L’impact est strictement limité à la candidature du candidat, mais ne porte jamais sur la liste.
Conclusion :
Dans sa décision n°1/E/2022 du 21 mai 2021, le Conseil Constitutionnel a déclaré irrecevable, les recours de YEWWI et de la coalition GUEM SA BOPP, au motif que selon les dispositions de l’article LO.184 de la loi n°2021‐35 du 23 juillet 2021 « seuls les actes du Ministre chargé des élections pris en application des articles L179, L180 et LO.183, peuvent être contestés par les mandataires ». Cette décision signifie tout simplement que le Conseil Constitutionnel n’a pas statué sur les requêtes des 2 coalitions précitées du fait que leurs recours ne visaient pas expressément un acte pris par le ministre, en application des articles précités.
Par Seybani Sougou, Juriste