EXPULSIONS D’ENFANTS MIGRANTS VERS L’ITALIE
Human Rights Watch épingle la France
Chaque mois, la police française expulse sommairement des dizaines d’enfants non accompagnés vers l’Italie, en violation du droit français et du droit international, a révélé Human Rights Watch.
Pour justifier ces expulsions, la police inscrit fréquemment sur les documents officiels des âges ou des dates de naissance différents de ceux déclarés par les enfants. Les autorités ont également expulsé sommairement des adultes, y compris des familles avec de jeunes enfants, sans leur indiquer qu’ils avaient le droit de demander l’asile en France.
« La police aux frontières française n’a pas d’autorité légale pour déterminer qui est mineur et qui ne l’est pas. », a déclaré Bénédicte Jeannerod, directrice France de Human Rights Watch. « Au lieu de jugements hâtifs fondés sur l’apparence ou l’arbitraire, elle devrait orienter ces jeunes vers les autorités de protection de l’enfance pour qu’ils reçoivent une prise en charge adéquate. »
Fin novembre 2020, Human Rights Watch s’est entretenu avec six enfants non accompagnés refoulés en Italie qui ont déclaré à la police française être âgés de moins de 18 ans. Dans chacun de ces cas, bien que les enfants aient indiqué leur âge et, dans certains cas, présenté des documents d’identité, les autorités françaises ont retenu des dates de naissance suggérant qu’ils avaient atteint l’âge adulte. Human Rights Watch s’est également entretenu avec 27 adultes sommairement expulsés de France. Aucun des enfants ou adultes interrogés n’a été informé par les autorités françaises de la possibilité pour eux de demander l’asile en France.
Entre novembre 2020 et avril 2021, Human Rights Watch a également mené des entretiens en personne et à distance avec des bénévoles et des personnels humanitaires, des avocats et d’autres personnes travaillant de part et d’autre de la frontière franco-italienne.
Beaucoup de ces expulsions ont lieu au poste-frontière situé entre Menton, une ville française à environ 30 kilomètres de Nice, et Vintimille, localité italienne du littoral méditerranéen. La police reconduit des enfants et des adultes considérés comme étant entrés irrégulièrement en France au poste-frontière français sur le pont Saint-Louis et leur ordonne de le traverser jusqu’au poste- frontière italien.
De telles situations sont fréquentes, ont déclaré à Human Rights Watch des organisations non gouvernementales travaillant à la frontière franco-italienne. Le personnel de Diaconia Valdese et WeWorld, des organisations italiennes qui fournissent un soutien juridique aux migrants à Vintimille, ont déclaré être témoins de tels cas presque quotidiennement.
Au cours des trois premières semaines de février 2021, des bénévoles de Kesha Niya, une cuisine communautaire de Vintimille offrant des repas et la possibilité de recharger leurs téléphones aux migrants expulsés de France, ont recueilli les témoignages d’une soixantaine d’enfants non accompagnés ayant déclaré avoir été refoulés de France. Les équipes ont également recueilli au moins 30 de ces témoignages d’enfants au cours de chacun des trois mois précédents, ainsi qu’en mars et en avril.
Dans chaque cas, les enfants leur ont montré des formulaires de refus d’admission sur le territoire sur lesquels la police française a inscrit de fausses dates de naissance. Human Rights Watch a examiné bon nombre de ces formulaires, y compris ceux de deux jeunes Soudanais qui ont déclaré être âgés de 17 et 16 ans, alors que la police française a estimé qu’ils avaient respectivement 27 et 20 ans.
Les personnes appréhendées le soir, y compris les enfants, sont souvent détenues la nuit dans l’une des trois unités préfabriquées, chacune de la taille d’un conteneur, avant d’être renvoyées en Italie le lendemain. Enfants et adultes ont confié avoir souvent faim et froid dans ces cellules.