AFFAIRE DU DOUBLE MEURTRE À PIKINE-TECHNOPOLE : Dans les secrets de l’enquête

Sans surprise, les 7 mis en cause dans l’affaire du double meurtre à Pikine‐Technopole ont été écroués hier par le doyen des juges du tribunal de Pikine‐Guédiawaye après l’ouverture d’une information judiciaire demandée par le procureur Saliou Dicko. Libération livre les principales conclusions de l’enquête très technique de la Division des investigations criminelles (DIC)

Le 20 août 2024, vers 22 heures, le commissariat de Pikine a été informé de la découverte de
deux corps sans vie dans un ap‐ partement au Technopole. Le transport des policiers sur les
lieux a permis aux enquêteurs d’identifier les victimes, en l’occurrence El Hadji Abdou Aziz Ba
dit Aziz Dabala et Babacar Gano dit Waly. En outre, les policiers avaient constaté que les corps
des victimes, en état de décom‐ position, présentaient des traces de violences, notamment des plaies ouvertes. Sur les lieux, un couteau avec une manche rouge est saisi placé sous scellé.

Un couteau avec une manche rouge sous scellé, les téléphones des victimes emportés

Le 21 août, une équipe de la Di vision des investigations crimi‐ nelles (Dic), qui a hérité du
dossier, s’est transportée sur les lieux, où elle a constaté que les téléphones portables des
victimes ont été emportés. Les enquêteurs avaient également relevé des traces de sang sur les
murs et sur le sol. Des réquisitions ont été adressées à Orange mobile et Wave concernant les numéros de téléphones 77 959… et 78 695…,
appartenant respectivement aux victimes El Hadji Abdou Aziz Ba et Babacar Gano.

La dame K.Cissé, témoin : «J’ai entendu un cri de détresse
mais… ».

L’enquête de voisinage a permis d’entendre la dame K.Cissé, occupante de l’appartement
mitoyen à celui des victimes, qui a déclaré avoir entendu un cri de détresse accompagné d’un bruit dans la nuit du 18 au 19 août. Poursuivant elle a noté s’être précipitée dehors pour y voir claire. «Mais je n’ai rien vu », a‐t‐elle dit aux enquêteurs.

A. Ba, sœur de Aziz Dabala : «Nabou Lèye m’a dit que Aziz était injoignable et introuvable ».

Entendue à titre de témoin, A. Ba, sœur du défunt Abdou Aziz Ba, a déclaré que c’est dans la soirée du mardi 20 août 2020 que la dame Marème Lèye dite Nabou l’a informé de ce qu’Aziz était introuvable et injoignable, avant de lui demander de faire venir un proche parent car elle veut défoncer la porte de l’appartement, alors que le proprié‐ taire exige la présence d’un parent.
Face aux policiers, Marème alias Nabou Lèye a affirmé que dans la soirée du 18 août 2024,
elle était chez Abdou Aziz Ba qui lui avait demandé de le conduire à Pikine Icotaf. Elle prétendait l’avoir attendu 30 minutes durant, avant de le déposer au rond‐point « Tally bou‐ bess», où ce dernier aurait affrété un taxi pour rentrer chez lui. Poursuivant, elle a signalé être retourné chez le défunt Abdou Aziz le mardi 20 août 2024 car plusieurs personnes l’ont appelé pour prendre des nouvelles de ce dernier qui était injoignable et introuva‐ ble. Elle a précisé qu’une fois sur place, elle a trouvé l’appar‐ tement fermé et c’est ainsi qu’elle a appelé les membres de la famille d’Abdou Aziz Ba pour leur manifester son intention de défoncer la porte, tout en leur demandant de mandater quelqu’un pour ce faire. Dans la suite des investigations, l’exploitation des résultats des réquisitions adressées à la société Wave a révélé que le 18 août 2024, vers 22 heures, un transfert de 5 000f a été effectué depuis le compte de la vic‐ time Abdou Aziz Ba vers le compte ouvert avec le numéro 76 420…, identifié au nom de Oumar Guèye. Il a aussi été constaté que le compte Wave de la victime Babacar Gano a fait l’objet d’un scan le 20 août 2024, à 19 heures 34 minutes, pour un retrait de 3 000f dans une boutique de transfert, sise à Guinaw Rails.

Tout un groupe pour retirer 3000 Fcfa du compte de Babacar Gano

Le transport à Guinaw Rails a permis aux enquêteurs d’obtenir une capture d’écran de
l’opération de retrait et des images montrant l’individu qui a effectué le retrait, accompagné d’un groupe de personnes. Avec le concours du commissariat de Guinaw Rails, les nom‐ més Ousseynou Diaw, Mamadou Diaw, Mamadou Lamine Diaw alias Modou Lo, Assane Diaw, Serigne Sarr alias Ndeuss, Oumar Guèye et Fallou Diop alias Mbaye Fall ont été identi‐ fiés comme composant le groupe.

Le témoignage des gérants du multiservice

Entendu à titre de témoins, P.A.Ndoye et I.Gaye, gérants du multiservice, ont affirmé que ce sont deux individus qui s’étaient présentés dans la boutique pour effectuer le retrait, tout en précisant que l’un s’était arrêté devant la porte, pendant que l’autre était au comptoir pour faire le retrait. Sur une présentation des images, ils ont reconnu Mamadou Lamine Diaw qu’ils ont désigné comme ayant effectué le retrait et Mbaye Fall, son ac‐ compagnant.

Son numéro «géolocalisé » sur la scène de crime

Oumar Guèye se défausse sur «Ndeuss». Cueilli, Oumar Guèye a reconnu que le compte Wave affilié au numéro de téléphone 76 420… a été ouvert avec sa carte nationale d’identité.Toutefois, il a soutenu que ce numéro appar‐ tient à son ami Serigne Sarr alias Ndeuss. Poursuivant, il a contesté avoir participé à l’as‐ sassinat d’Abdou Aziz Ba et Ba‐ bacar Gano. Interpellé sur le fait
que le fait le numéro de téléphone précité a été géolocalisé à Technopole dans la nuit des
faits, il a contesté y avoir été tout arguant que c’est son ami Ndeuss qui utilise ce numéro.
Interrogé à son tour, Serigne Sarr alias Ndeuss a déclaré que c’est le défunt Abdou Aziz Ba qui lui a fait le transfert Wave de 5 000f le 18 août 2024, vers 22 heures, pour les besoins de son transport à Touba pour le Magal. Il a soutenu aussi avoir appelé la victime Abdou Aziz Ba à plusieurs reprises au courantde cette nuit, vers 22 heures, car ce dernier aurait promis de lui envoyer de quoi se rendre àvTouba. Relativement à la géolocalisation, il a admis qu’il était, certes, au technopôle vers 22 heures, durant la nuit du 18vaoût 2024, mais pas chez le défunt Abdou Aziz Ba. Interpellé à Touba, puis acheminé à Dakar, Mamadou La‐ mine Diaw a avoué avoir tué
Abdou Aziz Ba et Babacar Gano. Relativement aux cir‐ constances, il a expliqué que défunt Abdou Aziz Ba lui aurait proposé d’entretenir avec lui
des rapports sexuels moyennant une forte somme d’argent, ce qu’il aurait fini par accepter afin de pouvoir payer les ordonnances de sa mère
malade. Poursuivant, il a déclaré qu’ils avaient convenu d’une rencontre dimanche le 18 août 2024 et que le jour du ren‐ dez‐vous, le défunt l’a appelé pour confirmation, tout en lui disant d’attendre qu’il lui fasse signe après le départ de Nabou Lèye qui était passée lui rendre visite.

Ses habits tachés de sang, Mamadou Lamine Diaw a quitté les lieux du crime en mettant un «Jellaba » appartenant à Abdou Aziz Ba

Mamadou Lamine Diaw a pré‐ cisé que c’est vers 20 heures qu’Abdou Aziz Ba l’aurait ap‐ pelé au téléphone pour l’inviter à le rejoindre à Pikine Texaco à bord d’un taxi, en direction de son appartement. Il a prétendu qu’une fois sur les lieux, alors qu’Abdou Aziz Ba se serait mis à le caresser. C’est ainsi qu’il l’aurait étranglé avec sa main gauche, avant de brandir le couteau qu’il avait mis sous sa ceinture. Il a soutenu que ce
dernier a essayé de crier pour alerter le voisinage, mais il lui a administré un coup de couteau au cou, avant de le soulever et de le terrasser sur la table en verre qui était à côté. En outre, il expliqué avoir porté d’autres coups de couteau à la victime.
Il a souligné que, dans la foulée et pris par la panique, il auraitvtrouvé le jeune Babacar Gano
dans la chambre, en train d’écouter de la musique avantvde le tuer à son tour avec des coups de couteaux. Il a, aussi, précisé avoir abandonné l’arme sur les lieux, avant de prendre les téléphones portables des victimes et d’enfiler un boubou « Jellaba » de la victime Abdou Aziz Ba car ses habits étaient tachés de sang.

Mamadou Lamine Diaw accable son oncle

Relativement à l’opération de retrait Wave dans le compte de la victime Babacar Gano, il a reconnu en être l’auteur, tout en précisant qu’il était accom‐ pagné uniquement de Fallou Diop alias Mbaye Fall. Par ail‐ leurs, il a noté que c’est son oncle Ousseynou Diaw qui lui a remis couteau ; et que c’est en sa présence, aussi, qu’il a vendu le téléphone de la victime Baba‐ car Gano, avant de lui payer un pantalon et un sous‐vêtement. Interrogé, Ousseynou Diaw a contesté avoir remis l’arme du crime à son neveu Mamadou Lamine Diaw. Il a nié toute im‐ plication dans les faits, avant de préciser que c’est le 20 août que son neveu lui aurait révélé être l’auteur des faits.

Assane Diaw mouille son grand‐frère Mamadou Lamine Diaw.

Auditionné à son tour, Assane Diaw, identifié comme étant l’attributaire du numéro de té‐ léphone 78 497…, a nié toute implication dans les faits. Interpellé sur le fait que son numéro de téléphone qui a été géolocalisé à Technopole dans la nuit des faits, a été utilisé pour contacter la victime Abdou Aziz Ba, il a argué que c’est certaine‐ ment son grand‐frère, Mamadou Lamine Diaw, qui s’en est servi à son insu.

Le lendemain des faits, Mamadou Lamine Diaw a appelé Nabou Lèye dont le téléphone a été aussi géolocalisé.

Réentendue à la suite de l’exploitation des réquisitions télé‐ phoniques qui ont permis de la géolocaliser au Technopole le 19 aout 2024, bien après le crime, Marème Lèye a affirmé
malgré les preuves techniques qu’elle était à Thiaroye et non Technopole. Interpellée sur le
fait qu’il ressort également des résultats des réquisitions qu’elle a reçu un appel de Ma‐ madou Lamine Diaw le lende‐ main des faits, elle a rétorqué avoir, certes, vu un appel absence du numéro attribué à ce dernier mais qu’elle ne l’aurait pas rappelé car elle ne le connaitrait pas.
Livré par son père à la suite de la diffusion de son identité par Libération, Fallilou Diop alias Mbaye Fall a contesté avoir par‐ ticipé à la commission des faits. Toutefois, il a reconnu avoir ac‐ compagné son ami Mamadou Lamine Diaw dans une bou‐ tique de transfert d’argent pour une opération de retrait.

Le réquisitoire salé du par‐mquet qui met l’accent sur la «gravité des faits »

Compte tenu de la gravité des faits, le parquet a requis l’ouver‐ ture d’une information contre les susnommés et contre per‐ sonne non dénommée pour les chefs d’association de malfai‐ teurs contre tous, d’assassinat avec actes de barbarie et de vol contre Mamadou Lamine Diaw; de complicité d’assassinat avec acte de barbarie et de recel contre les autres. Le ministère public a aussi demandé leur placement sous mandat de
dépôt. Un réquisitoire suivi à la lettre par le doyen des juges du tribunal de Pikine‐Guédiawaye.

CMG, Libération

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