Condamnation de Barthélemy DIAS : la double jurisprudence du Conseil Constitutionnel neutralise l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel

C’est un principe connu par tous les Juristes du monde : une condamnation est définitive lorsque toutes les voies de recours sont épuisées et qu’il n’existe plus aucune possibilité de former un recours ou un pourvoi en cassation. Il faut le marteler une bonne fois, pour toutes : la confirmation par la Cour d’appel de la condamnation de Barthélémy DIAS à 2 ans d’emprisonnement, dont 6 mois fermes, n’a aucune incidence juridique, à ce stade sur son mandat de député. Une double jurisprudence du Conseil Constitutionnel (décisions n° 2/E/2019 et 3/E/2019), portant sur la recevabilité de la candidature de Khalifa SALL lors des présidentielles, clôt définitivement le débat.

Jurisprudence n°1 : Décision n° 2/E/2019

Considérant n°63 : Le caractère suspensif du pourvoi en cassation en matière pénale a pour objet a pour objet d’empêcher l’exécution de l’arrêt de la Cour d’appel…. jusqu’à la décision de la Cour suprême, s’il s’agit d’un arrêt de rejet, et au-delà d’un arrêt de cassation.

Jurisprudence n°2 : Décision n° 3/E/2019

Considérant n°46 : S’agissant du pourvoi en cassation, le Conseil constitutionnel a rappelé, dans sa décision n° 2/E/2019, qu’en raison de son effet suspensif, il était impossible d’exécuter l’arrêt de la cour d’appel dans le délai de pourvoi, et en cas d’exercice du pourvoi dans le délai, tant qu’une décision de rejet n’est pas rendue.

Le dernier alinéa de l’article 61 de la Constitution sénégalaise est clair, net et précis : « Le membre de l’Assemblée nationale qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des députés sur demande du Ministre de la Justice ».

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A ce stade, la condamnation de Barthélemy DIAS ne revêt aucun caractère définitif et ne l’est pas tant qu’une décision de la Cour suprême n’est pas intervenue.

Compte tenu des délais et de la procédure de mise en état du dossier après l’introduction du pourvoi (il faut compter en général, de nombreux mois, voire plus d’un an, avant qu’une affaire soit vidée à la Cour suprême), il est donc fort possible qu’une décision de la Cour suprême n’intervienne pas avant les élections présidentielles de 2024 et la fin du règne de Macky SALL.
Pour mémoire, Dans l’affaire NGOR DIOP, le magistrat avait saisi, en octobre 2020, la Chambre administrative de la Cour suprême, aux fins d’annulation de la décision illégale d’affectation, le concernant. Il aura fallu attendre près de 17 mois avant qu’une décision soit rendue le 10 mars 2022, actant la réhabilitation de N’GOR DIOP.
Comme tout dossier qui atterrit à la Cour suprême, l’affaire Barthélemy DIAS doit être traitée selon les délais classiques (en vertu du sacro-saint principe d’égalité de traitement entre citoyens, aucune intervention ne doit être tolérée pour que son dossier soit au-dessus de la pile).
Il est trop prématuré d’évoquer la perte de mandat de député pour Barthélemy, d’autant plus que d’une part, le dossier n’est même pas encore à la Cour suprême et d’autre part, que l’actuel 1er Président de la Cour suprême, M. Tidiane Coulibaly sera admis à faire valoir ses droits à une pension de retraite le 01 novembre 2022 à minuit (il aura 68 ans) et a d’autres urgences à traiter, à savoir préparer les dossiers du prochain Président.
Autant dire que la perte de mandat de député de Barthélemy DIAS, n’est pas pour demain.

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Afin que nul n’en ignore, nous transmettons la Jurisprudence du Conseil Constitutionnel (Décision n° 3/E/201), notamment son Considérant n°46 qui précise de manière claire, nette et précise qu’il est impossible d’exécuter l’arrêt de la cour d’appel dans le délai de pourvoi, et en cas d’exercice du pourvoi dans le délai, tant qu’une décision de rejet n’est pas rendue.

Pour rappel, en 2019, le débat juridique consistait à savoir si le rabat d’arrêt revêt un caractère suspensif ou pas en matière pénale.

Dans le cas d’espèce, c’est toute autre chose. Nous ne sommes pas au stade du rabat d’arrêt, mais du pourvoi. Sur ce point, la loi est extrêmement claire et le Conseil Constitutionnel l’a rappelé via une double jurisprudence (décisions n° 2/E/2019 et 3/E/2019) : en matière pénale, le pourvoi est suspensif.

Attendons donc la décision de la Cour suprême (qui peut prendre des mois voire plus d’un an) avant de nous prononcer sur une perte de mandat de député (virtuelle à ce stade).

L’affaire Barthélémy DIAS est une affaire purement politique. Si la justice a attendu plus de 10 ans pour se prononcer sur ce dossier qui date de 2011, qu’en sera lorsqu’il sera soumis à la Cour suprême ?
Ne nous laissons surtout pas embarquer par le régime qui souhaite nous imposer un débat prématuré.
Chaque chose en son temps.

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