Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo: de la lutte à mort aux retrouvailles forcées

Définitivement acquitté par la Cour pénale internationale le 31 mars dernier, l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo rentre à Abidjan jeudi 17 juin, après dix ans d’absence. Il y retrouvera Alassane Ouattara, son adversaire de longue date, au parcours très différent du sien. Portrait croisé de deux acteurs majeurs de la Côte d’Ivoire post-Houphouët-Boigny.

Le 13 septembre 1988, Laurent Gbagbo rentre de son premier exil. Il rencontre Félix Houphouët-Boigny qui tente de l’amadouer : « L’oiseau ne se fâche pas contre l’arbre ». Voilà pourtant déjà prêt de vingt ans que cet homme à la carrure solide mord les mollets du « père de l’indépendance ».

Leur formation : l’historien marxiste contre l’économiste libéral

Enfant de Mama, un village de la région de Gagnoa, dans l’ouest du pays, d’ethnie bété et de religion catholique, Laurent Gbagbo naît en 1945 dans une famille modeste, mais brille à l’école. Il décroche son baccalauréat au lycée classique d’Abidjan, puis une licence d’histoire à l’université de la capitale économique ivoirienne en 1969. Il effectue ensuite un court séjour à l’université de Lyon, où il rencontre sa première épouse française, Jacqueline Chamois, avant d’obtenir une maîtrise d’histoire à l’université de Paris-Sorbonne.

Il s’y construit une solide culture politique, penche pour l’analyse marxiste et se rapproche des mouvements de gauche, où il lie de solides amitiés. Rentré au pays, il enseigne et embrasse la lutte syndicale dans un pays verrouillé par un parti unique, le PDCI (Parti démocratique de Côte d’Ivoire). Gbagbo devient, en 1974, chercheur à l’Institut d’histoire d’art et d’archéologie de l’université d’Abidjan (IHAA), puis soutient une thèse de doctorat, en 1979, à l’université Paris VII sur le thème « Les ressorts sociaux-économiques de la politique ivoirienne, 1940-1960 ». En 1980, il devient directeur de l’IHAA.

De quatre ans son aîné, Alassane Ouattara est né à Dimbokro, dans le centre du pays. Issu d’une famille aisée et commerçante du Nord, il est malinké et musulman. Cet héritage le pousse à s’intéresser à l’économie. Il passe son bac à Ouagadougou, étudie aux États-Unis, obtient en 1967 son master à l’université de Pennsylvanie, suivi d’un doctorat en 1972. Il travaille déjà au Fonds monétaire international (FMI), qu’il quittera pour intégrer la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Libéral, il croit au multilatéralisme, aux institutions de Bretton Woods, au sérieux budgétaire et à l’alliance de la Côte d’Ivoire avec ce qui est encore le camp occidental.

RFI