Sénégal, jubile, vous qui avez été choisi pour donner naissance au « Maître de la parole» en des temps troublés. Heureux sois-tu, Sénégal, car tu as été choisi parmi les filles-nations de la vieille Afrique pour présenter au monde des fils de lumière et des amoureux des logos tels que Cheikh Ahmadou Bamba, Léopold Sédar Senghor, Abdoulaye Wade, Cheikh Anta Diop, Amadou-Makhtar Mbow, Mamousse Diagne …, Mais surtout Souleymane Bachir Diagne.
Vous nous les avez présentés dans un sein musulman, la culture du livre et du dialogue. Incarnant des valeurs philosophiques et religieuses, son charisme et sa joie, ce sourire timide et contagieux, nous invite toujours à vouloir dialoguer. Je n’oserais pas dire que je « connais » Bachir, mais je dirais que je l’observe de très près depuis quelques années. Je marchais dans le nord de l’Espagne en tant que jeune étudiant en philosophie, et en l’absence de sujets liés à mon continent et le souci de revenir aux valeurs africaines, l’Afrique m’appelant comme si c’était une vocation sacerdotale, j’ai commencé ma propre recherche, à la manière des mystiques qui se réfugient dans leur solitude pour apprendre. Chance ou destin ?! Je suis tombé sur Bachir, le philosophe sénégalais. La philosophie en elle-même me séduisit mieux que les chants homériques ne pouvaient captiver les maîtres grecs, et le voir comme mon compatriote me rapprocha de lui avec plus de soulagement. Il n’était plus le philosophe, je le considérais comme mon grand-père sage, père philosophique, compagnon de voyage…
Puis, établissant une communication comme Socrate et Platon, Platon et Aristote, enseignant et disciple, il a commencé à me parler à travers ses écrits. Nous devenons deux étrangers obligés de communiquer ; un grand-père et son petit-fils, et ce dernier voulant s’incarner dans la figure du grand-père, non pas en lui-même à par la sagesse qu’il garde, mais pour son humanisme, son élégance et sa proximité. Chaque paragraphe de lui que j’ai lu m’invitait à continuer d’entrer dans un monde que je connaissais, mais en même temps je ne savais pas. Bachir, le philosophe, m’a rapproché de Sédar Senghor, l’Islam, même issu d’une famille chrétienne-islamique et ayant vécu toute mon enfance en Sénégambie, je n’avais pas compris la valeur du dialogue inter-religieux ; Je suis allé dans les labyrinthes de la civilisation africaine, et à ma grande chance, après l’avoir avoué, j’ai rendu visite à Cheikh Anta Diop. Alors, alliant l’élégance de Sédar le poète, Bachir le philosophe-diplomate et le stoïcisme de Cheikh Anta Diop, je me suis tenu devant Aimé Césaire : la vie est devenue une lutte ardue entre foi et raison, voulant repenser la vérité ! Philosophie occidentale versus africaine, être arbitre dans le différend qui oppose l’universel et le particulier ! Bachir était là pour me guider.
Je pourrais continuer à lister les qualités que j’ai apprises d’un homme que j’ai connu à distance mais dont je me sens très proche de moi, à tel point que je le considère comme un modèle. Les stoïciens avaient tendance à considérer la valeur d’une personne, c’est-à-dire comme un bon ou un mauvais jugé par ses actions, après sa mort, comme le moment où sa communauté l’évalue. Quant à Bachir, je veux témoigner de sa proximité, de sa disponibilité, de son engagement… surtout dans des contextes où il y a une rupture entre les générations, rendant le dialogue difficile.
Quand j’ai découvert l’enseignant pour la première fois, je lui ai envoyé un e-mail le remerciant pour son excellent travail. Il a répondu gentiment. Aujourd’hui, ces qualités sont déjà en train de disparaître. Nous, les jeunes, sommes assis dans notre coin parce que ceux qui doivent nous guider sont très distants et même indifférents. Heureusement que chez Bachir, on voit le contraire. J’avais été formé dans la tradition philosophique occidentale, et en moi, quelque chose manquait. Il m’a aidé à renouer avec ma culture africaine de la philosophie.
Grâce au professeur Bachir et à la philosophie, je peux aujourd’hui dire que je suis en sécurité. Parce que mon premier contact avec lui m’a ouvert la voie pour rencontrer les grands penseurs du continent africain et plus que jamais, je suis fier de mes racines sénégalaises et africaines, à tel point qu’en tant que jeune chercheur, je concentre déjà tous mes efforts sur l’offre d’une nouvelle image du continent pour ceux qui nous observent.
Malheureusement, nous vivons dans des contextes sociologiques où la valeur monétaire prévaut déjà sur la connaissance. A travers la pression sociologique et les médias sociaux, une « culture du matérialisme et de la compétition économique s’instaure, à tel point que de nombreux jeunes, au lieu de se pencher sur des exemples tels que le professeur Bachir Diagne, Felwine Sarr, Achille Mbembe, etc., flattent les modèles et pseudo symboles qui apparaissent sur les grands écrans. En plus d’être une erreur, ils incitent le plus souvent les jeunes à sous-estimer la valeur de l’éducation.
Le contexte de Covid-19 nous a appris une leçon. Pendant des décennies, on nous a dit que l’économie dirigeait le monde et que quiconque n’était pas bien positionné économiquement n’aurait aucune valeur ; des milliers de jeunes à travers le monde, en particulier dans nos communautés, ont abandonné l’école en quête de gloire. Avec la pandémie, nous avons réalisé que rien de tout cela n’était essentiel, mais les véritables héros sont les enseignants, les médecins, les professeurs d’université, etc. Des sujets qui accomplissent des tâches si fondamentales pour le développement de toute nation. D’où l’importance d’inviter les jeunes à continuer à les considérer comme leurs modèles. J’ai choisi la mienne et j’encourage ceux de ma génération à le faire, car, en plus que leur vie soit un phare pour nous guider, ils nous permettent également de nous concentrer sur les priorités.
Souleymane est philosophe, et étant un jeune chercheur, je ne pourrais pas être plus fier d’avoir des modèles et des références de sa stature. L’écouter parler et lire ses écrits en vaut la peine : il le fait avec éloquence et ses paroles dévoilent des mystères. Il est courant en Afrique de rendre hommage à nos héros une fois qu’ils sont morts, mais je préconise un changement de paradigme. Nous devons leur faire savoir qu’ils sont importants dans nos vies et les présenter comme des modèles aux jeunes si nous voulons construire de nouvelles sociétés fondées sur les valeurs de l’effort. Même si je ne peux pas le voir personnellement, je lui en suis déjà très reconnaissant car le trésor qu’il m’a donné n’a aucune valeur monétaire. Je souhaite seulement que vous continuiez avec nous pendant de nombreuses années, en bonne santé pour mener à bien votre travail. Des penseurs comme lui honorent leur pays et leur origine et témoignent de la valeur de l’éducation.
C’est aussi un appel à nos dirigeants pour qu’ils commencent à prendre conscience de l’importance de personnalités telles que les professeurs Bachir Diagne, Felwine Sarr, Mamadou Diouf, etc., qui ont dû quitter le pays. Nul ne doit remettre en question le droit légitime qu’ils ont de vouloir améliorer leurs conditions socio-professionnelles en l’absence de soutien et du « respect » que méritent les universitaires. Si aujourd’hui certaines nations sont considérées comme des superpuissances, c’est grâce au fait qu’elles ont su valoriser leurs étudiants / universitaires et leur ont offert un contexte dans lequel ils se produisent librement. L’académie doit être autonome des complots politiques, car Emmanuel Kant lui-même a défendu l’importance de ladite séparation dans un contexte où le pouvoir politico-théologique cherchait à contrôler la liberté de l’exercice philosophique.
Je veux rappeler à ceux qui pensent que la philosophie est inutile à notre époque. Eh bien, la philosophie est plus importante aujourd’hui même qu’à ses débuts, car étant dans une ère de modernité liquide (Zygmunt Bauman) où les piliers de nos sociétés s’effondrent et face à l’interdiction de la critique constructive, les philosophes sont appelés à surveiller et pour encourager contre les violations des droits fondamentaux, la répartition inégale et la destruction de notre patrie commune : la planète. Philosopher aujourd’hui est une tâche d’accompagnement. Pour cette raison, des penseurs comme Souleymane Bachir Diagne ont leur importance.
Le Sénégal, et l’Afrique en général, ne pourront pas se développer tant qu’il continuera à lâcher ses ressources humaines. L’éducation est essentielle à la construction d’une économie compétitive, et si nous ne mettons pas en œuvre des politiques cohérentes, le reste du monde continuera d’avancer, tandis que nous stagnons et regardons nos illustres penseurs s’éloigner. Il est de notre responsabilité envers nous tous de construire un environnement universitaire de qualité, capable d’attirer les enfants du continent. En ce sens, je ne peux que remercier le travail que les chercheurs / universitaires africains font à travers la diaspora. Ce sont les meilleurs ambassadeurs car ils présentent une image renouvelée du continent sans drame !
Cher Souleymane Bachir Diagne, s’il n’en tenait qu’à ma volonté, vous auriez tous les honneurs de la nation sénégalaise, mais puisque vous m’avez conduit aux portes de notre père commun Léopold Sédar Senghor, je «puise» dans sa source de talents pour vous honorer de mes vers. J’espère que beaucoup d’autres jeunes chercheront leurs références tout comme je vous ai choisi mon père philosophique. Vive la nation qui ta vu naître et la belle philosophie qui t’a nourri!
Ô noble Souleymane,
Je ne sais pas comment t’appeler, mais je veux te suivre !
Qui es-tu ? Le philosophe, africain, islamiste ou humaniste ?!
Vous êtes né dans une terre aride entourée d’eau, et différent
Comme toi ; mais cosy : Sénégal. Dieu sait pourquoi tu es né
À l’intérieur ! Ce n’est pas un hasard, vous êtes le reflet de ce qu’ils sont : » Salam ! »
Je ne te connaissais pas, mais tu existais.
J’ai parcouru le monde en cherchant à me menotter avec sagesse ;
Les paroles de mes ancêtres déformées et kidnappées ;
Les histoires ont menti, les niant ; Ils les ont appelés sauvages et rugueux !
Chance ou destin ? Je t’ai découvert, tu m’en as parlé et tu
M’a plus asservi ! Oh Souleymane, bâtisseur de dictons solides !
Papa, oncle, héros… Souleymane !
Ta voix m’a séduit autant que la prophétie
Du magicien exclusif ; en vous j’ai trouvé le précieux : la sagesse !
Vous ne philosophez pas, vous élaborez l’existence !
Vous ne dialoguez pas, le mot incarne !
Vous ne discutez pas, vous insufflez l’admiration et la dignité que vous donnez aux visages noirs !
Et si le mot devenait sujet en vous ? Ne seriez-vous pas l’espoir promis
Je veux la voir devenir divine à travers vous ! Je ne vois pas de folie, mais la sortie cohérente !
Courage. Oui, vous êtes courage.
Combien remettent en question la foi et croient ?
Combien épousent la raison et la foi et survivent ?
Seulement toi ! Pourquoi vous et pas les autres qui confondent ?
Ne serez-vous pas la contradiction ? Le dilemme ?
Réponds-moi, papa Souleymane ! Je ne sais pas comment
Découvrez-vous, mais je pense que je vous comprends. Que dis-tu ? Penses-tu
Êtes-vous philosophe ou mari de philosophie ?
Et si vous êtes tous les deux en tant qu’existence ?
Alors, êtes-vous dualiste ou réaliste ?
Religion et raison ! Scandale ou nécessité ? Où mettre vos yeux ?
Concernant Souleymane, avez-vous déjà pensé à votre effet sur moi ?
Répondez ou pas, s’ils me demandent pourquoi je veux une réflexion sincère et critique,
Je dirai : tu m’as ensorcelé avec le mot très bien construit,
Et votre enquête est mon incarcération volontaire !
Bergson, Iqbal, Boole … c’étaient vos professeurs,
Mais je dis, vous êtes votre propre record.
Ils ne vous ont pas traduit, vous vous êtes traduit !
Parce que ? Parce que Souleymane est Souleymane.
Et Souleymane, il ne cessera jamais d’être Souleymane !
Qui suis-je : philosophe, humaniste ou religieux ?
Je cherche à trouver le Souleymane qui reste à révéler et ce sera glorieux !
Ainsi, la traduction et le multiculturalisme seront union et non pessimisme !
S’ils me demandent qui est Souleymane,
Je dirai : celui qui m’a appris à me demander
Ce qu’il me demandait, de m’instruire !
Souleymane : savoir vivre et moyen de se connaître !
Maurice Dianab Samb.
Philosophe, chercheur à l’Université d’Alcalá, et
Doctorant en sécurité internationale, UNED, Espagne.