Capacité à mobiliser, test d’unité, l’enjeu des Locales… Au-delà de se rassembler pour la libération des «otages politiques» arrêtés en février et mars derniers, le Mouvement pour la défense de la démocratie fait face à son destin. Cette manifestation sonne peut-être la fin de la médiation entreprise par le khalife des mourides qui avait ordonné la suspension de toutes les manifestations dudit mouvement.
Le pouvoir retient son souffle : l’état de grâce n’aura duré que 3 mois. Après avoir fait vaciller les fondements de la République en février et mars derniers, le Mouvement pour la défense de la démocratie (M2d) reprend du service cet après-midi à travers un rassemblement pacifique à la Place de la Nation pour la libération de 8 «détenus politiques» encore dans les prisons de Diourbel et de Ziguinchor. Cette plateforme de partis d’opposition et d’organisations de la Société civile, née durant la même période consécutive à l’arrestation de Ousmane Sonko, compte imposer un rapport de force avec la majorité présidentielle. Ces évènements avaient conduit par la suite à la libération de beaucoup d’acteurs comme Birame Soulèye Diop, Abass Fall, Guy Marius Sagna, Assane Diouf, Clédor Sène. Mais aussi à l’élargissement de jeunes manifestants et pilleurs des édifices publics ou privés. Jusqu’ici, Cheikh Tidiane Dièye et ses camarades ont pu réaliser ce qui était impossible à faire depuis la venue de Macky Sall au pouvoir : faire reculer le régime. De Manko wattu senegaal à l’Initiative pour des élections démocratiques (Ied) en passant par le Front de résistance nationale (Frn), la quiétude du Président Macky Sall n’a jamais été secouée avant le mois de février dernier. Les appels à manifester du M2D ont fini par glisser vers des émeutes qui, au total, ont fait au moins 13 morts. Trois mois plus tard, le contexte est-il toujours favorable au moment où l’on note une hausse des prix des denrées de première nécessité ? La mobilisation de cet après-midi sera une réponse sur la capacité de mobilisation du M2D. Y aura-t-il la même détermination de la foule de mars qui avait faire reculer la justice, les Forces de l’ordre, bref l’Etat ?
La médiation du khalife des mourides en question
Cette décision de rassemblement va à contresens des exhortations du Khalife général des mourides, Serigne Moutakha Mbacké, médiateur de premier plan et acteur majeur de la pacification du climat politico-social lors des violentes manifestations. En se déplaçant à Dakar pour rencontrer les responsables du M2D qui lui avaient remis un mémorandum dont cet appel à libérer les «otages politiques», Serigne Bassirou Mbacké, émissaire de Touba, avait demandé aux opposants de suspendre leurs activités, le temps de faire une médiation auprès du président de la République. Il est vrai qu’entre-temps, le mouvement avait organisé un rassemblement à Bignona pour rendre hommage aux victimes des émeutes. Manifestation marquée par un malaise de Sonko sauvé de justesse d’une chute.
Un test pour les Locales
Au-delà du nombre, le mouvement devra aussi réussir son test d’unité. Comme les autres fronts qui l’ont précédé, le M2D est appelé à dépasser la bataille des ego à 6 mois des élections locales. On se souvient de la bataille des «K» avec Khalifa Sall et Karim Wade dans les différentes manifestations de l’opposition avec la guerre des pancartes et des slogans qui faisait rage. Les opposants comptent toujours surfer sur le «contexte favorable», né de la contestation du régime de Macky Sall en mars 2021. Alors que le président de la République tente de rattraper le temps perdu à travers des tournées, l’opposition aussi ne veut pas laisser le terrain à la majorité. «Les Locales constituent le premier tour de la Présidentielle de 2024», avait déclaré le journaliste Mamoudou Ibra Kane, le 23 mai dernier au cours du Grand jury de la Rfm. Du côté du pouvoir comme dans l’opposition, cette lecture est partagée.
leQuotidien