Mairie de Dakar: Taxawu Dakar déchirée par le choc des ambitions

Depuis que Khalifa Sall n’est plus éligible à cause de sa condamnation le 30 mars 2018 dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, chacun des maires restés fidèles à la coalition Taxawu Dakar, dont il est le patron, pense pouvoir le remplacer à la tête de la plus importante municipalité du pays. Seulement voilà, Khalifa Sall ne pouvant plus se présenter à quelque compétition politique que ce soit, il perd de son aura pour influer sur le choix de celui qui doit être le porte-étendard de sa coalition. De ce point de vue, la sortie de Barthélémy Dias à propos de sa candidature est un pied de nez infligé à Khalifa Sall, le fédérateur de la coalition Taxawu Dakar. Surtout qu’il se suppute que l’ex-maire de Dakar aurait déjà jeté son dévolu sur celui qui doit succéder à Soham Wardini, actuelle édile de la mairie de Dakar.

« Je suis candidat à la maire de Dakar et personne ne m’empêchera d’être candidat à la mairie de Dakar. Que ça soit très clair » : Voilà ce que déclarait Barthélemy Dias lors d’une conférence de presse tenue le 17 mai à sa mairie de Mermoz-Sacré Coeur. Cette déclaration fait suite à la venue d’une mission de l’Inspection générale d’Etat dans cette institution qu’il dirige. Pour Dias, cette fouille impromptue de l’IGE dans les comptes de sa mairie s’inscrit dans une logique de le disqualifier des prochaines élections locales.

Il a d’ailleurs évoqué le cas de Khalifa Sall qu’une mission d’enquête de l’Ige avait conduit illégalement en prison, ce qui avait aussi permis de l’écarter de la présidentielle de 2019. Mais si cette déclaration de candidature du bouillant ex-patron des Jeunesses socialistes est une réplique aux manœuvres du pouvoir en place pour éliminer un prétendant dangereux à la mairie de Dakar, elle semble aussi être une déclaration adressée aux autres candidats de Taxawu Dakar qui auraient les mêmes ambitions que lui.

Notamment Soham Wardini. D’ailleurs, cette dernière, lors d’une rencontre qui s’est tenue à Saly les 2 et 3 juin derniers, s’est exprimée ainsi après une question relative à son éventuelle candidature à la mairie de Dakar : « Je suis dans une coalition, Taxawu Dakar. Le moment venu, nous nous réunirons pour choisir le candidat de cette coalition… Cette liste, nous souhaitons qu’elle soit dirigée par une femme. Peu importe la personne qui sera choisie, l’essentiel c’est de gagner Dakar. Nous sommes dans le processus et la date des élections est connue. Donc, je ne peux pas me prononcer pour le moment… Mais si je suis choisie, je suis prête à être la candidate de cette coalition pour la conquête de la mairie. Les femmes gèrent mieux que les hommes. Donc, confiez les mairies aux femmes et vous verrez !»

De façon sibylline, si l’on décrypte ce message, la remplaçante de Khalifa Sall faisait un plaidoyer pro domo. Revendiquer une candidature féminine pour la mairie de Dakar, c’est dire charité bien ordonnée commence par soi-même. Si la candidature de Barthélémy Dias est claire et sans ambages, celle de Soham Wardini, elle prend des chemins détournés qui aboutiront à l’imposant bâtiment du boulevard Djily Mbaye. Mais in fine, Soham a déclaré sa candidature. Et celle-là vient faire face frontalement à celle de Barthélémy Dias.

Coups bas du pouvoir contre Taxawu
La coalition Taxawu Dakar, ébranlée par des secousses telluriques après les locales de 2014, continue à subir des coups bas venant du côté du pouvoir. Des lignes de fracture ont été notées avec les départs de maires tels qu’Alioune Ndoye du Plateau, Jean Baptiste Diouf de Grand-Dakar, Babacar Sadikh Seck des Hlm, Mame Amadou Samba de Cambérène, Ousmane Ndoye de la Gueule Tapée, Santi Agne de Sicap-Liberté, Banda Diop de la Patte-d’oie, Moussa Sy des Parcelles assainies.

Autant d’éminents membres de cette coalition qui ont transhumé vers le pouvoir en place. Seuls des édiles comme Barthélémy Dias de Mermoz-Sacré-Cœur, Cheikh Guèye de Dieuppeul-Derklé, le défunt Idrissa Diallo, Palla Samb de Fann Point-E sont restés fidèles à l’orientation de Taxawu Dakar. Toujours estil qu’aujourd’hui il revient à Khalifa Sall, s’il veut rester maitre de la capitale, de repenser la Coalition qui lui a permis de gagner les locales à Dakar en 2009 avec Tanor et Moustapha Niasse et en 2014 sans eux.

En 2009 et 2014, le leadership de Khalifa Sall était incontesté pour briguer la mairie de Dakar. Mais aujourd’hui que ses démêlés judiciaires l’ont écarté du jeu politique, son autorité faiblit et son leadership est remis en cause par toutes ces candidatures annoncées à la va-vite sans une concertation ou consensus préalable.

Le mentor ne pouvant plus prétendre à un mandat électif, les sous-fifres s’agitent pour se hisser au promontoire de la mairie de Dakar. La déclaration radicale et jusqu’au-boutiste de Barthélemy Dias et celle mitigée de Soham Wardini remettent en cause l’autorité et la crédibilité de Khalifa Sall. L’ex-maire de la capitale, privé arbitrairement de ses droits civiques et politiques, qui l’excluent de toutes compétitions politiques, pourra-t-il combler la béance causée par le départ de pratiquement deux-tiers des maires des communes gagnées par Taxawu Dakar en 2014 ?

Khalifa Sall, un difficile rafistolage
Les candidatures prématurées de la première femme aspirante à diriger la mairie de la capitale et du premier magistrat de Mermoz-Sacré-Cœur laissent croire que Khalifa Sall, qui a perdu de sa prestance et de sa prégnance au sein de Taxawu Dakar, pourra difficilement rafistoler les positions et postures éparses de ses lieutenants. La prison, la déchéance de ses droits politiques et l’absence de Khalifa Sall sur la scène politique et médiatique, l’apathie de ses militants ont beaucoup contribué à affaiblir Taxawu Dakar.

Apparemment, le bouillant et rebelle Barthélémy Dias ne croit plus à la force électorale d’antan de la coalition Taxawu Dakar sinon il n’aurait pas pris le risque de déclarer sua sponte sa candidature sans sa conceptualisation dans un cadre unitaire. Sa déclaration de candidature à la mairie de Dakar reste arrimée à sa réélection à la mairie de Mermoz. Si Barthelemy Dias a été élu maire de Mermoz-Sacré-Cœur de 2009 à aujourd’hui, c’est grâce à la coalition Taxawu Dakar et surtout à son leader Khalifa Sall qui a pesé de toute son influence pour sa reconduction en 2014.

Aujourd’hui, Taxawu Dakar a perdu sa force parce que son leader a les ailes rognées. Mais Khalifa Sall, même privé de son droit d’élire ou d’être élu, reste toujours un leader politique affirmé capable de rebondir sur la scène politique et d’imposer son tempo aux prochaines locales. Ce même si, entre-temps, beaucoup d’eau a coulé sous les pontes avec la donne Ousmane Sonko, leader du Pastef.

Plus mesurée que son rival et camarade de coalition Dias — qui habite la même commune qu’elle ! —, Soham Wardini a laissé les Dakarois subodorer sa candidature. Et sachant que le passage obligé pour réussir un tel projet est de se ranger derrière Khalifa, l’actuelle maire de Dakar entend jouer la carte de son prédécesseur pour maximiser ses chances de réélection.

En dehors de Barth et de Soham, il est fort à parier que d’autres maires de Taxawu Dakar pourraient bien déclarer leur candidature et à juste raison. Palla Samb, maire de Fann – Point-E- Amitié, toujours fidèle à Khalifa et qui a bien géré sa commune, peut bien lui aussi déclarer sa candidature à la mairie de Dakar. Le choc des ambitions des uns et des autres cèdera la place aux poids des candidatures. Et toute candidature de Taxawu Dakar ne vaudra son pesant d’or que si Khalifa, le mentor et patron de cette coalition, la soutient. En somme, même s’il n’est plus le Roi de la capitale, Khalifa Sall n’en est pas moins un faiseur de rois !

Serigne Saliou Gueye, Le Témoin