Cette réplique de GÉRARD SÉNAC que j’avais fait citer il y a quelques années en salle 3 du palais de justice pour la mort accidentelle du jeune motocycliste GORA THIAM résonne encore dans mes oreilles : « vous savez, Maître, moi je n’oblige personne à emprunter mon ouvrage (l’autoroute à tuage ou à péage je ne sais plus trop comment l’appeler)»…
Pour l’occasion j’avais eu la sagesse de me garder de lui porter la riposte qu’appelait une telle insolence, me disant que, fondamentalement, le colon méprisant avait raison! Et je lui avais d’ailleurs concédé qu’il était bien dans son droit de se pavaner ainsi, l’honnêteté minimale obligeant à reconnaître qu’il n’avait en effet courtisé personne pour acheter un ticket sur le parcours le plus onéreux du monde, pour aller de nuit et dans l’obscurité totale percuter une vache en errance sur le trajet !
Aussi, rétrospectivement, je ne puis que relativiser après les avoir désapprouvés les propos que le président du SÉNÉGAL 🇸🇳 a tenus avant-hier dans le droit fil de cette logique de l’entrepreneur français. Ces propos ont ému. Ils ont choqué. Ils sont choquants. Mais pas faux.
Au vrai, personne n’est obligé d’emprunter cette autoroute privée. Ou de consommer français, ou d’utiliser des articles, accessoires et productions français. Arrêtons donc de pleurer, du moins ceux d’entre nous qui en avons marre de la surexploitation française, puisque nous sommes encore incapables de faire cohérer nos propos et nos actes. Continuons de crier notre indignation tout en prenant avec philosophie le péage et les quolibets qui vont avec.
Continuons de vouer aux gémonies ces contrats mafieux tout en priant pour un démarrage de ce TER, attendu dans l’ironie mais qui sera un jour proche et à notre grand désappointement aussi visible qu’un cafard errant sur un carrelage blanc.
Et, pendant que nous y sommes, arrêtons de combattre Macky Sall si c’est pour constater qu’il a raison sur toute personne qui empruntera le péage par découragement ou sous contrainte, dans la mesure où, pusillanimes en diable, nous sommes incapables d’exiger de son gouvernement l’exécution de la banale obligation de construire avec nos ressources des routes et autoroutes nationales dignes de ce nom.
Et, à ce rythme, qu’on se le dise : la FRANCE 🇫🇷 À FRIC a de beaux jours devant elle sous nos cieux. Maigre consolation quand viendront les vilains jours : les historiens pourront toujours soupirer sur l’air des lampions, en tirant le bilan de cette hallucinante surexploitation : « ah, ces colons indécrottables ils ont vraiment lésé nos pays avec un grand B ! ».
Chez notre grand voisin, la CÔTE D’IVOIRE 🇨🇮, qui ne dispute à nulle autre possession française le titre peu glorieux de fleuron de la plantation françafricaine, le ministre français de l’économie bombait le torse ce même samedi à Abidjan-sur-Seine.
Le contrat faramineux de métro urbain dans la capitale éburnéenne – en fait un minable tramway à 1000 milliards sur un trajet d’à peine 37 km – méritait bien cette gaie parade de Bruno Le Maire au volant d’une vieille locomotive et au son de stridents cocoricos : « un grand projet pour la Côte d’Ivoire, un grand défi pour les entreprises françaises », ces paresseux rois des marchés de gré à gré.
La contrepartie de cette arnaque monstrueuse, le présupposé de cette effarante escroquerie, nul n’est dupe, c’est ce troisième mandat anticonstitutionnel arraché au prix fort au profit du vassal le plus zélé de la plantation françafricaine : 89 morts et 500 blessés graves occasionnés par une répression des forces de l’ordre et des miliciens du pouvoir encouragée par Paris et ses épigones dans le silence total et l’impunité garantie.
Le tramway pourra siffler trois fois à Abidjan privée d’eau et de courant électrique,dépourvue d’un plateau médical décent, remplie de chômeurs et d’oisifs, cette belle métropole incapable d’assurer un minimum de système éducatif à ses enfants en âge scolaire, tout cela pour satisfaire la boulimie d’une oligarchie repue mais jamais rassasiée.
La France pourra continuer avec notre bénédiction à construire des cathédrales dans le désert, et nos dirigeants se pâmer de plaisir devant ces éléphants blancs. Nous continuerons à invoquer dans la ferveur et le luxe de ces cathédrales dans le désert l’aide et le soutien d’un Dieu fâché contre nous et à faire le malin en prenant des selfies à l’intérieur de ces éléphants blancs.
Le choix est pourtant vite fait entre prendre le train en marche et monter dans le train de la liberté….
Allons seulement !