Course aux vaccins: Qui de Moderna ou Pfizer/Biontech est en pole position?

  À la rentrée, alors que la France commençait à voir un regain de l’épidémie de Covid-19, Le HuffPost prévenait que sur les vaccins, il allait falloir “garder son sang-froid dans les semaines à venir”, face aux annonces qui risquaient de se multiplier. Deux mois après, les dernières actualités le confirment. Le 9 novembre, Pfizer et Biontech annonçaient que leur vaccin contre le coronavirus était “efficace à 90%” selon des données partielles et non publiées. Ce lundi 16 novembre, c’est la société Moderna qui annonce une efficacité de 95%. Ces deux annonces coup sur coup sont assurément de bonnes nouvelles sur le front de la lutte contre le Covid-19. Mais comme nous le rappelions pour Pfizer, il reste de nombreuses épreuves à passer avant que ces vaccins puissent être utilisés.

En attendant, que peut-on dire de ces deux chiffres si proches? Les vaccins développés par Pfizer/Biontech et Moderna sont très similaires, mais il y a également quelques différences, qui pourraient n’être que temporaires. Le HuffPost a compté les points à la mi-temps, même si tout cela peut changer très vite.

Match nul sur la technologie

Comme la quasi-totalité des vaccins actuellement en phase d’essai clinique, ils visent tous deux la même cible: la protéine “Spike” du coronavirus. Située sur la membrane, c’est en quelque sorte la “clé” qui permet au virus d’infecter une cellule humaine en allant se loger dans une serrure (un récepteur nommé “ACE2”).

Cela est commun à l’écrasante majorité des vaccins dans la course. Par contre, Pfizer/Biontech et Moderna utilisent une technologie récente, qui n’a encore jamais été utilisée dans un vaccin commercialisé chez l’homme. Ces vaccins à ARN messager (plus d’informations ici) ont l’avantage d’être plus faciles à produire rapidement. Ce qui explique en partie que les premières données de leurs essais cliniques de phase 3 soient publiés avant les autres concurrents.

C’est un avantage, mais il ne faut pas oublier que ces vaccins n’ayant jamais été utilisés à grande échelle chez l’homme, ils seront scrutés avec encore plus d’attention par les autorités de santé. Ils ont également besoin de deux doses pour être efficaces (espacées de 3 semaines chez Moderna, 4 chez Pfizer), ce qui va compliquer la logistique et la production.

Match nul sur l’efficacité (mais prolongations)

Autre point commun, cette fameuse efficacité d’au moins 90%. Comme les deux vaccins ciblent la même protéine et utilisent une technologie similaire, il est logique que les chiffres soient proches. Il aurait même été inquiétant que ce ne soit pas le cas.

Il faut bien comprendre que ce sont des chiffres temporaires, issus d’un essai clinique de “phase 3”. 30.000 personnes chez Moderna et 44.000 chez Pfizer/Biontech participent à ce test géant qui vise à vérifier l’efficacité du vaccin, mais aussi s’assurer qu’il n’est pas dangereux. À chaque fois, la moitié des participants a reçu le vaccin, l’autre un placebo. Ensuite, les cobayes sont suivis afin de vérifier s’il y a des effets secondaires et, surtout, s’ils attrapent le Covid-19.

Ce qu’explique Moderna dans un communiqué de presse, c’est que lors d’une première analyse réalisée deux semaines après l’administration de la seconde dose, il y a eu 95 personnes positives au Covid-19 parmi les 30.000 participants à l’essai. Sur ces cas positifs, 90 appartiennent au groupe placebo et seulement 5 au groupe ayant eu le vaccin. On en déduit cette efficacité de 94%.

Mais, comme pour Pfizer/Biontech, ce sont des données partielles. Il faudra atteindre qu’au moins 150 personnes aient été contaminées pour avoir une représentation statistiquement fiable de l’efficacité du vaccin en population générale. Mais le chiffre très élevé des deux vaccins porte plutôt à croire que le vaccin pourrait être efficace.

Avantage Moderna sur l’efficacité réelle

Mais l’efficacité globale ne fait pas tout. Quand Pfizer/Biontech a annoncé ce chiffre de “90%”, beaucoup de virologues ont été circonspects devant le peu de données disponibles. Le vaccin empêche-t-il les maladies graves? Est-il efficace chez les plus vulnérables, notamment les personnes âgées? Est-on totalement immunisé ou asymptomatique?

On ne pourra le savoir qu’avec l’épluchage détaillé des données une fois la première analyse finale menée. Mais en attendant, Moderna a été plus claire sur ces questions. Sur les 90 infections au coronavirus du groupe placebo, 11 étaient considérés comme sévèrement malades. Il n’y en a aucun dans les 5 infectés du groupe vaccin. Alors que 15 personnes de plus de 65 ans font partie des infectés, ce qui va dans le sens d’un effet du vaccin aussi sur les personnes âgées, une des grandes inconnues.

Encore une fois, ces résultats sont préliminaires, ils pourraient changer. Surtout, il est possible que le vaccin de Pfizer/Biontech dispose au final de statistiques similaires, voire meilleures. Il faudra patienter quelques semaines pour en avoir le coeur net.

Avantage Pfizer/Biontech sur les doses en Europe

Même si les vaccins fonctionnent et n’ont pas d’effets secondaires et même s’ils sont autorisés par les autorités sanitaires, il reste ensuite le défi d’une vaccination à grande échelle. Pour cela, il faut que les sociétés aient la possibilité de produire beaucoup, beaucoup de doses de vaccin (surtout que deux sont nécessaires pour être qu’une personne soit immunisée).

Depuis des mois, les pays rivalisent d’annonces évoquant la précommande de centaines de millions de doses de vaccins. De ce point de vue, c’est Pfizer/Biontech qui semble le plus avancé avec l’Union européenne. L’exécutif européen a conclu début septembre un accord préliminaire avec l’allemand Biontech et l’américain Pfizer pour précommander 200 millions de doses de leur vaccin en préparation, avec l’option d’acquérir cent millions de doses supplémentaires.

Du côté de Moderna, 80 millions de doses ont été sécurisées en août, avec une option sur 80 millions de plus.

Avantage Moderna sur la logistique et la chaîne du froid

Une fois les doses commandées, il faut pouvoir les injecter. Sans même parler de l’acceptation vaccinale, il y a tout un défi logistique pour acheminer des vaccins. Surtout ceux à ARN messager développés.

En effet, cette technologie a besoin d’être stockée à basse température. Lors de l’annonce des premiers résultats d’efficacité de Pfizer/Biontech, l’annonce d’un stockage à -80°C a refroidi beaucoup d’enthousiastes. Il existe évidemment des parades (Olivier Véran a annoncé la commande de 50 super-congélateurs), mais sur ce point, Moderna s’en sort mieux.

La société précise ce lundi 16 novembre que leur vaccin peut être stocké à -20°C pendant 6 mois, au réfrigérateur (entre 2°C et 8°C) pendant 30 jours et à température ambiante pendant 12 heures. De quoi réduire drastiquement le problème. Pour autant, Pfizer et Biontech travaillent bien évidemment à améliorer le vaccin sur cette question.

Il est trop tôt pour dire qui a les meilleurs arguments pour l’emporter dans la course au vaccin, qui ne fait en réalité que démarrer.