Campagne arachidière – La mauvaise graine : Le ministre autorise la vente des semences «Tout venant»

Par note circulaire datée du 26 mai dernier, le ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural fixe le prix de cession des semences d’arachide écrémées pour la campagne agricole à venir. Pour les acteurs de la filière, c’est le signe que le pays a des difficultés à fournir des semences sélectionnées à ses producteurs. Les conséquences pour la filière arachide pourraient en être pénibles dans les mois à venir.

La mauvaise qualité plus chère que les semences certifiées

Le mur de la réalité est plus solide que les déclarations d’intention. Une note circulaire du ministre Moussa Baldé, chargé de l’Agriculture et de l’équipement rural (Maer), plonge les acteurs dans l’expectative. Ladite note, datée du 26 mai 2021, fixe les «taux de conversion coques, décortiquées et les prix de cession des semences écrémées décortiquées» pour la campagne agricole 2021-2022 à venir. La note indique que le prix, pour la variété d’arachide écrémée, 55-437, est de 820 mille francs la tonne, dont 320 mille francs de subvention au moins. Ce qui fait qu’au détail, le kilo s’écoule à 440 francs Cfa.
Les autres variétés, moins nobles, coûtent également le même prix.
L’ennui est que, quand le ministre légitime la vente des semences communément appelées «tout venant», c’est que, de manière implicite, il reconnaît que le pays n’est pas en mesure de fournir des semences certifiées en quantité suffisante aux producteurs. Or, c’est le même ministre qui, il n’y a guère longtemps, dans une circulaire signée le 23 avril de cette année, mettait en garde les importateurs d’arachide.
M. Baldé disait notamment : «Cette situation pourrait tenter certains opérateurs à se procurer ces stocks pour les injecter dans la distribution des semences pour des raisons évidentes de gain, alors que l’on ignore la provenance comme la qualité semencière de ces grains.» Le ministre a par la même occasion rappelé que «de telles pratiques ont un caractère frauduleux donc non règlementaire et exposent… leurs auteurs à des sanctions…»
La circulaire du 26 mai semble mettre entre parenthèses le souci de la préservation du capital semencier. Ce qui pour certains acteurs, n’est en soi pas surprenant. Hier, au téléphone, Ousmane Diakhaté, le Secrétaire général du Regrou­pement des acteurs du secteur industriel et agro-alimentaire de Touba (Rasiaat), déclarait au journal Le Quoti­dien : «Cette circulaire confirme que le pays n’a plus de semences certifiées, de semences de qualité. Si l’autorité en vient à autoriser cette année ce qu’elle avait interdit l’année dernière, c’est la preuve qu’il n’y a pas assez de semences.»
Et pour lui, on ne peut espérer que la filière arachide survive à ce coup. «L’Etat a regardé vendre toute la production d’arachide à l’étranger, jusqu’aux semences. Dans ces conditions, on ne peut espérer avoir de bonnes productions dans les années à venir.» La conséquence ultime, pour cet industriel de Touba, est la mort programmée de la filière arachide. «Et attendez-vous à une augmentation de l’exode rural. Les personnes âgées vont suivre les jeunes qui, eux, sont déjà à Dakar et dans les centres urbains !», affirme-t-il avec un rire sinistre.
La preuve des difficultés à venir, c’est que les semences écrémées de cette année, vont coûter plus cher que les semences sélectionnées de l’année année. La circulaire du 20 avril 2020 fixait à 385 francs Cfa le kilo de la semence R1 qui, cette année, est établi à 440 francs Cfa. L’huilier souligne que si la production avait été au niveau annoncé officiellement, personne ne s’en serait plaint : «Les commerçants chinois auraient pris leur part du marché et les industriels la leur, il n’y aurait eu aucun problème. Mais cela est loin d’être le cas. Ce qui fait que, quand vous avez moins de 700 mille tonnes de production, si vous laissez les Chinois en prendre 500 mille, il ne reste même pas assez pour les semences à venir. C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement, et qui prédit des lendemains difficiles», se désole Ousmane Diakhaté.

Lequotidien