?? ????? ?? ????? ??????????? ?? ?????? ???? ??? ??? ??-???? (DR BABACAR DIOP)

Umar ibn al-KhattĂąb (584-644), deuxiĂšme calife de l’Islam avait vu dans un songe qu’un de ses descendants portera le mĂȘme nom que lui, exercera le pouvoir politique et « remplira la terre de justice ». Au rĂ©veil, il s’écria : mais qui est ce balafrĂ© des Umayyades qui gouvernera son peuple dans la justice et l’équitĂ© ? Le balafrĂ© des Umayyades (Ă  cause d’une blessure dont la cicatrice est devenue un marqueur sur le visage), annoncĂ© dans cette prĂ©diction, n’est personne d’autre qu’Umar ibn Abd al-AzĂźz (682-720) dont la vie constitue un foyer ardent pour tous les militants d’une sociĂ©tĂ© nouvelle fondĂ©e sur la justice et l’égalitĂ©.

Le calife des pauvres
De 661 Ă  750 la dynastie des Umayyades inaugurĂ©e par Mu’ñwiya (602-680) rĂšgne sur un empire immense dont Damas est la capitale. Umar ibn Abd al-AzĂźz, appelĂ© aussi Umar II, est Ă©lu huitiĂšme calife de la dynastie des Umayyades en 717, la mĂȘme annĂ©e oĂč LĂ©on III est dĂ©signĂ© empereur des Byzantins. Mais par sa droiture et son sens de la justice et de l’équitĂ©, il est considĂ©rĂ© dans l’historiographie de l’Islam comme le cinquiĂšme calife bien guidĂ© derriĂšre Abu Bakr as-SiddĂźq, Umar ibn al-KhattĂąb, Uthman ibn AffĂąn et Ali ibn AbĂź TĂąlib.
SulaymĂąn ibn Abd al-Malick, septiĂšme calife des Umayyades, sentant sa mort prochaine, a dĂ©signĂ© dans son testament Umar ibn Abd al-AzĂźz comme son successeur Ă  l’insu de ce dernier. AprĂšs la mort du calife SulaymĂąn, le bruit se rĂ©pand dans tout l’empire musulman qu’Umar ibn Abd al-azĂźz est dĂ©signĂ© comme le nouveau calife et qu’il lui revient d’assumer la charge de Commandeur des croyants. DĂ©s qu’il apprend la nouvelle, il convoque le peuple Ă  la mosquĂ©e de DĂąbiq situĂ©e Ă  Damas.

Ainsi il dĂ©missionne publiquement du titre de calife qu’on lui a imposĂ© sans le consulter et sans son consentement. Umar ibn Abd al-AzĂźz dit Ă  l’endroit du peuple qui est venu Ă©couter le premier discours du nouveau Commandeur des croyants : « On m’a nommĂ© calife sans me demander mon avis, et sans mĂȘme consulter le peuple. Je dĂ©clare donc que je libĂšre ceux qui m’ont jurĂ© allĂ©geance de leur serment. Choisissez vous-mĂȘmes votre calife » (KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.370). C’est le premier acte posĂ© par Umar ibn Abd al-AzĂźz en confĂ©rant au peuple le droit de choisir ses propres dirigeants. Cet Ă©vĂšnement Ă  lui seul invalide la conception exclusivement occidentale de la dĂ©mocratie. L’idĂ©e de dĂ©mocratie est prĂ©sente dans plusieurs traditions et cultures en Afrique, en Asie ou en AmĂ©rique latine.

La foule se presse autour d’Umar ibn Abd al-AzĂźz et crie qu’il est le dirigeant qu’il s’est choisi. Ainsi, dans la fleur de l’ñge (Ă  trente-cinq ans), il hĂ©rite d’un pouvoir corrompu et violent dont le mode de gouvernance est fondĂ© sur la trahison et la violence. Le rĂšgne des BanĂ» MarwĂąn (la branche Umayyade au pouvoir) a semĂ© des crimes atroces partout dans l’empire. À cette Ă©poque, le gouvernement a pour nom corruption et terreur. Le peuple a soif de justice, d’égalitĂ© et de paix. Umar ibn Abd al-AzĂźz, aprĂšs son accession au pouvoir, nourrit la noble ambition de rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© et remplir la terre de justice. Sa devise est : la justice, la sincĂ©ritĂ© et la droiture doivent remplacer l’injustice, la faussetĂ© et la malhonnĂȘtetĂ©. Cette parole coranique guide ses pas dans la voie de la justice et de la droiture : « Ô David, Nous avons fait de toi un calife sur la terre. Juge donc en toute Ă©quitĂ© parmi les gens et ne suis pas la passion » (Coran, 38 : 26). Il a une haute conscience de ses responsabilitĂ©s Ă©tatiques, renonçant Ă  beaucoup de privilĂšges et privant sa famille de beaucoup d’avantages pour subvenir aux besoins du peuple, surtout des dĂ©shĂ©ritĂ©s.

Il met toute son Ă©nergie dans la lutte contre la pauvretĂ©, le gaspillage et l’insolence des familles princiĂšres. Pour lui, l’État doit venir en aide Ă  tous ceux qui souffrent, Ă  tous les nĂ©cessiteux et aux handicapĂ©s. Il est allĂ© jusqu’à soutenir que l’État doit mettre un guide Ă  la disposition de chaque non-voyant. Le projet d’Umar ibn Abd al-AzĂźz est de redonner le sourire aux pauvres.
Ainsi voici une histoire remplie d’humanisme qui doit inspirer les hommes politiques de notre Ă©poque, empĂȘtrĂ©s dans la corruption et l’enrichissement illicite. FĂątima bint Abd al-Malick, l’épouse d’Umar ibn Abd al-AzĂźz raconte :

« Un jour, j’allais le trouver dans le lieu oĂč il accomplissait ses priĂšres. Le voyant pleurer Ă  chaudes larmes, je lui demandai ce qu’il avait. Il me rĂ©pondit : ‘On m’a rendu responsable de cette nation. J’ai pensĂ© aux pauvres qui souffrent de faim, aux malades qui n’ont personne pour leur venir en aide, Ă  ceux qui n’ont pas assez de vĂȘtement pour couvrir leur nuditĂ©, aux orphelins sans tuteur, aux opprimĂ©s qui subissent l’injustice, aux Ă©trangers, aux prisonniers, aux vieux, aux veuves esseulĂ©es, aux chefs de familles nombreuses qui n’ont pas assez de ressources pour les entretenir, ainsi qu’à d’autres cas similaires dans des pays lointains et dans d’autres rĂ©gions sur terre. J’ai alors eu la certitude que le Jour de la RĂ©surrection, mon Seigneur me demandera des comptes Ă  leur sujet et que le ProphĂšte Muhammad (PSL) prendra leur dĂ©fense. J’ai peur de ne pas avoir assez d’arguments solides pour m’en sortir ce jour-lĂ . C’est pour cette raison que je pleure’ » (KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.379).
Justice et équité

Umar ibn Abd al-AzĂźz se soucie des droits et de la dignitĂ© humaine. Au gouverneur de KhurĂąsĂąn qui lui a Ă©crit en lui disant que seuls le sabre et le fouet permettent d’amener le peuple dans la voie de la perfection, Umar ibn al-AzĂźz a rĂ©pondu dans un message plein d’humanisme : « Bien au contraire, seules l’application de la justice et la prĂ©servation des droits permettent d’amĂ©liorer leur condition. RĂ©pands donc cette pratique parmi eux » (KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.388). L’homme a un sens Ă©levĂ© de la justice. C’est pourquoi, il a l’habitude de dire : « Si la justice ne pouvait rĂ©gner qu’au prix de ma vie, je me sacrifierais volontiers ! » (KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.389).
Le respect des droits est Ă  la base de la paix et de la stabilitĂ© dans la sociĂ©tĂ©. Un État qui ne respecte pas les droits ouvre la voie Ă  la dĂ©sobĂ©issance. Les reprĂ©sentants de l’État doivent ĂȘtre des exemples qui inspirent confiance et respect. C’est pourquoi, Umar ibn Abd al-AzĂźz considĂšre que celui qui mĂ©rite le plus d’ĂȘtre appelĂ© « hors-la-loi » est le gouverneur injuste qui ne se soucie jamais du respect de la loi. Dans une lettre adressĂ©e aux citoyens de ses provinces, il Ă©crit : « Si l’un de mes fonctionnaires se dĂ©tourne de la vĂ©ritĂ© [
] vous ne lui devez aucune obĂ©issance. Je vous autorise Ă  contester ses dĂ©cisions, jusqu’à ce qu’il se soumette aux justes lois » (KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.396). Les reprĂ©sentants de l’État doivent gouverner par la vertu et le respect des droits des citoyens. Cette conception du pouvoir est conforme Ă  l’enseignement du Sous-commandant Marcos du Chipas (au Mexique) selon lequel « ceux qui commandent, doivent commander en obĂ©issant » (E. Dussel, Vingt thĂšses de politique, 2018, p.60), c’est-Ă -dire en obĂ©issant Ă  la volontĂ© gĂ©nĂ©rale, Ă  la volontĂ© de la communautĂ©. La Bible ne dit pas autre chose : « Quiconque veut ĂȘtre grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; et quiconque veut ĂȘtre le premier parmi vous, qu’il soit l’esclave de tous » (Marc 10, 43-44). Ainsi ceux qui gouvernent doivent obĂ©ir Ă  la volontĂ© de la communautĂ© et non exercer la violence et la domination sur la communautĂ©.

Umar ibn Abd al-AzĂźz est un exemple radical de la bonne gouvernance. Il a fait sa dĂ©claration de patrimoine avant de prendre fonction. Il a poussĂ© son Ă©pouse dont le pĂšre et le frĂšre Ă©taient califes Ă  renoncer Ă  son hĂ©ritage au profit du TrĂ©sor public. Il a interdit Ă  ses gouverneurs de s’adonner Ă  des activitĂ©s commerciales, parce qu’ils peuvent profiter de leurs positions pour amasser indĂ»ment des richesses. Il a luttĂ© contre les dĂ©penses de prestige afin de secourir les pauvres. Un jour, alors qu’on lui demande d’accorder un budget qui doit servir Ă  renouveler l’habillement de la Ka‘ba, il rĂ©pond : « Je prĂ©fĂšre donner cet argent Ă  ceux qui souffrent de la faim, ils le mĂ©ritent plus que la Ka‘ba » (KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.386). Il considĂšre que l’argent public est aussi sacrĂ© que la religion. C’est pourquoi, il a confisquĂ© les domaines agricoles des familles princiĂšres pour les rattacher au TrĂ©sor public. Umar ibn Abd al-AzĂźz a un cƓur sensible qui sache Ă©couter la voix de la justice : « Celui qui indique une injustice nĂ©cessitant une rĂ©paration, me fait une proposition qui contribue Ă  consolider le bien et Ă  Ă©radiquer le mal, ou me fait part d’un projet d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ; celui-lĂ  aura une rĂ©compense de cent Ă  trois cents dinars, selon la distance qu’il aura traversĂ© pour venir me voir » (KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.397).
Umar ibn Abd al-AzĂźz est un homme profondĂ©ment juste, un chef d’État qui protĂšge la libertĂ© d’expression et les minoritĂ©s religieuses. La reconstruction de l’église de Saint Jean Ă  Damas tĂ©moigne de l’humanisme radical du Commandeur des croyants. Les musulmans avaient dĂ©truit une partie de l’église pour l’extension de la mosquĂ©e umayyade Ă  sa place. Les chrĂ©tiens de Damas se plaignirent auprĂšs d’Umar ibn Abd al-AzĂźz, aprĂšs son accession au pouvoir. Il ordonna de dĂ©truire la partie construite de la mosquĂ©e sur le sol de l’église pour la restituer Ă  la communautĂ© chrĂ©tienne. C’est pour cette raison que le sage Aristote a Ă©crit que « les actions des gens justes et tempĂ©rants ont pour aboutissement beaucoup de belles choses » (Les politiques, 1993 : 459). Le calife Umar ibn Abd al-AzĂźz serait l’auteur de l’institution du Pacte la dhimma qui garantit la sĂ©curitĂ© aux gens du Livre (ahl al-kitĂąb) en protĂ©geant leurs personnes, leurs biens, leurs Ă©glises et leurs croix.

Au total, le rĂšgne d’Umar ibn Abd al-AzĂźz Ă  la tĂȘte de l’empire musulman a durĂ© seulement vingt neuf mois. Ceux qui ne rĂȘvent que de domination, de fraude et de corruption vont interrompre cette belle histoire en empoisonnant cet homme engagĂ© au service de la justice et des pauvres. Mais il aura gravĂ© son nom en lettres d’or dans le cadran de l’histoire de la lutte contre l’injustice et la pauvretĂ©.
Nul mieux que LĂ©on III, l’empereur byzantin, n’a rendu un hommage plus beau Ă  Umar ibn Abd al-AzĂźz Ă  sa mort. Les belles paroles de celui qui est pourtant son adversaire rĂ©sonnent encore dans l’histoire : « Un roi dont personne n’a jamais Ă©galĂ© la justice est mort. Il n’y a rien d’étonnant Ă  ce qu’un moine renonce aux plaisirs de la vie pour adorer Dieu dans sa cellule. Ce qui est Ă©tonnant, par contre, c’est qu’un homme se voie maĂźtre du monde mais choisit de vivre en ascĂšte. Il est normal qu’un tel homme meure d’une mort prĂ©coce ; les bons s’en vont rapidement et ne restent pas longtemps en compagnie des mĂ©chants » KhĂąlid Muhammad KhĂąlid, 2009, p.412).

Pour conclure, Umar ibn Abd al-AzĂźz fait partie de ces rares chefs d’État de l’histoire qui ont exercĂ© le pouvoir politique dans le but de la libĂ©ration des dĂ©shĂ©ritĂ©s et des opprimĂ©s. Il est une source d’inspiration inĂ©puisable pour ceux rĂȘvent de rĂ©habiliter l’action politique dans la voie de la justice, de l’équitĂ© et de la libertĂ©.

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